Chrétiens en Ubaye

tribune libre

Dans 2018

le philosophe danois Soren Kierkegaard

Le Ven 30 mars 2018

Dans cet entretien réalisé par Adèle Van Reeth, journaliste de France Culture, avec Vincent Delecroix, spécialiste de la philosophie des religions, est évoquée l'oeuvre du philosophe danois Soren Kierkegaard (1813-1855) Celui qui est considéré, à tort ou à raison, comme le père de l'existantialisme, dit que l'homme ne peut être lui-même que devant Dieu. Comment expliquer ce saut dans l'inconnu qui caractérise le passage de la croyance, basée sur la raison, à la foi ?

Dans un point de vue explicatif sur son oeuvre, Kiergegaard revient sur le cheminement de son existence qui le ramène immanquablement à Dieu. Ce très beau texte est lu par Ivan Morane sur France Culture.

  J’allai dans la vie, favorisé de toute manière sous le rapport de l’esprit et de la vie matérielle ; tout était donné et tout fut fait pour développer mon esprit et l’enrichir le plus possible. Bien qu’avec une sympathie et une prédilection marquées pour la souffrance et ce qui d’une manière ou d’une autre gémit et pâtit, je peux dire qu’en un sens j’affrontai hardiment la vie, dressé dans une fierté presque téméraire ; à aucun moment de ma vie, je n’ai perdu cette foi : ce que l’on veut, on le peut, sauf une chose, mais tout le reste absolument, sauf une chose : la suppression de la mélancolie au pouvoir de laquelle je me trouvais.

(…) J’avais une écharde dans la chair, les talents de l’esprit, surtout l’imagination et la dialectique, une éducation chrétienne vraiment rare, et une attitude tout particulièrement dialectique à l’égard du christianisme ; j’avais appris dès l’enfance à obéir d’une obéissance absolue ; j’étais muni d’une foi presque téméraire en ma capacité de pouvoir toutes choses, sauf une, devenir un oiseau libre, ne fût-ce qu’un seul jour entier, ou rompre les chaînes de la mélancolie où une autre puissance me retenait ; enfin j’étais pour moi-même un pénitent. Il me semble maintenant qu’une autre puissance a pris soin dès le premier moment de ce sursis, semblable en cela au pêcheur disant au poisson : laissons-le, il est encore trop tôt de le pêcher. Et, fait curieux qui remonte aussi très loin dans mon souvenir sans que je puisse aucunement en indiquer la date ni dire comment l’idée m’en est venue : constamment, c'est-à-dire chaque jour, j’ai demandé à Dieu de me donner le zèle et la patience nécessaires pour accomplir la tâche qu’il m’assignerait lui-même.

https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/kierkegaard-au-secours-de-lexistence-14-pourquoi-croire-en-dieu

 

 

 

Dans 2018

Etre catholique aujourd'hui

Le Sam 24 fév 2018

Répliques par Alain Finkielkraut

émission du 24 février 2018 avec la participation des philosophes Rémi Brague et Denis Moreau
 

https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/etre-catholique-aujourdhui

Aux XVI° et XVII° siècles, celui qui faisait profession d’athéisme devait se justifier, Aujourd'hui c'est plutôt la non existence de Dieu qui va de soi et il revient aux croyants de se justifier. Curieux et même envieux Alain Finkielkraut interroge ses invités sur leur expérience de la foi.

Aux XVI° et XVII° siècles, nous dit le philosophe Denis Moreau dans son livre Comment peut-on être catholique ? , celui qui faisait profession d'athéisme suscitait l'étonnement et même l'incompréhension. S"ils ne lui tournaient pas le dos en criant au scandale, ses interlocuteurs lui demandaient d'expliquer les raisons de cette position stupéfiante et rare. A cette époque, c'était à l'athée qu'incombait la charge de la justification. Les temps ont bien changé. Aujourd'hui , dans une conversation entre personnes intéressées par la vie  intellectuelle, c'est la non existence de Dieu qui va de soi et c'est à celui qui fait profession d'être catholique qu'il revient de se justifier .

Pour ma part je ne me sens pas l'âme d'un juge. Je ne crois pas en Dieu mais je ne me sens pas plus intelligent que les croyants. Je veux comprendre, je suis curieux, passionné  et même envieux et je demanderai à mes invités  Rémi Brague et Denis Moreau de m'éclairer et je commencerai par une question personnelle "qu'est ce pour vous que l'expérience de la foi ? "

 

Dans 2018

une pastorale de chien

Le Dim 11 fév 2018

Dans notre belle église de Barcelonnette, dédiée à St Pierre aux Liens, sur la chaire antique,  se trouve sculptée  la silhouette d’un chien en pleine course tenant dans sa gueule un brandon enflammé. Au-dessus on lit cette inscription latine : Fauces et faces. Ce qui signifie : par l’aboiement et par le feu.

J’en ferai volontiers la devise de ma pastorale en Ubaye.

Pourquoi le chien ? 

Parce que  j’aime beaucoup ce fidèle compagnon de l’homme qui court vite et avertit par ses aboiements, tandis que le prophète Isaïe fustige ces chiens muets, inutiles. (Isaïe 56, 11)  

Pourquoi le feu ?

Parce que Jésus nous rappelle  qu’il est venu jeter un feu sur la terre et qu’il lui tarde que soit embrasée notre belle vallée de l’Ubaye !  Heureusement je ne suis pas le seul chien qui court, je chasse en meute avec bien d’autres chiens du Seigneur  et il y a même avec nous des chiens d’arrêt qui, eux, savent fixer le troupeau dans des lieux sûrs.

Les loups n’ont qu’à bien se tenir !  

 

père François Marot, curé du Secteur Pastoral de la vallée de l’Ubaye

Dans 2018

secret de confession

Le Mar 16 jan 2018

Un article de La Vie remettait en cause le secret de confession (ou semblait le faire). Le frère Thomas Michelet, o.p., remet les pendules à l’heure :

« Il faut être clair : le secret de la confession est absolu, il porte sur l’ensemble de la confession, sans distinguer le pénitent absous de celui qui ne reçoit pas l’absolution. Voici le texte du Code de Droit canonique : Canon 983, § 1. “Le secret sacramentel est inviolable ; c’est pourquoi il est absolument interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un pénitent, par des paroles ou d’une autre manière, et pour quelque cause que ce soit.” (…) Le prêtre n’a donc pas le droit de se servir de quoi que ce soit qu’il entendrait dans une confession. En aucun cas, il n’a le droit de dénoncer le pénitent, lui-même ou par d’autres. Si l’État imposait de violer le secret de la confession, il faudrait lui résister, jusqu’au martyre. »

 

Dans 2018

Silence!

Le Mar 16 jan 2018

Silence !

Mgr Pascal N’Koué, archevêque de Parakou, a accordé un long entretien très intéressant au sujet de la liturgie 

Le mystère fait appel à la transcendance divine. Il nous impose d’emblée le silence extérieur et intérieur. Or nos lieux de culte sont devenus des lieux de bavardage, des lieux d’excitation festive, d’exhibition des  modes vestimentaires extravagantes, des lieux de décorations profanes, des lieux où même prêtres et évêques se lèvent pour prendre des photos, au lieu d’être des lieux de silence et de méditation, de rencontre intime avec la Présence du Seigneur, de  recueillement et de contemplation. En tout cas, le Dieu invisible, Esprit d’Amour, parle en silence. Lui-même n’est pas seulement silencieux, Il est silence. Et pour l’entendre, il faut entrer en silence. (…) nous confondons liturgies vivantes et célébrations bruyantes. Nous avons mal compris l’expression “participation active”. Elle est comprise dans le sens extérieur et superficiel.

Dans 2017

harcèlement sexuel : en route vers le chaos

Le Dim 26 nov 2017

La vague des scandales sélectionnés par les médias dans une société qui promeut l’éducation sexuelle dès la maternelle, le commerce de la pornographie audiovisuelle et où les campagnes pour l’infidélité conjugale s’affichent sur les bus ou dans le métro est révélatrice d’un mal profond. Faute de combattre les causes de la dissolution des moeurs, on génère un chaos social sur fond de délation généralisée.

 

 


 

Dans 2017

un an après Amoris Laetitia

Le Mar 21 nov 2017

par Thibaud Collin

Un an et demi après la publication de l’exhortation apostolique Amoris lætitia, la réception de ce texte continue à créer des remous en raison même de la diversité des interprétations
de son huitième chapitre.

Ce texte modifie-t-il la discipline sacramentelle envers les fidèles s’étant eux-mêmes mis dans un état de vie « en contradiction objective avec la communion d’amour entre le Christ
et l’Église, telle qu’elle s’exprime et est rendue présente dans l’Eucharistie » (Familiaris consortio, n. 84) ?

Certains le pensent et fondent leur conviction sur une note de bas de page (n. 351) indiquant qu’une « aide sacramentelle » peut être fournie à certains fidèles vivant « dans une situation objective de péché » (n. 305) ; à la condition, qu’au terme d’un travail de discernement accompagné par un pasteur, leur imputabilité ait été estimée suffisamment faible pour ne pas les priver de la grâce sanctifiante. Et ce en raison de circonstances atténuant leur responsabilité morale quant à leur état de vie actuel.

Rappelons qu’en 1999 le cardinal Ratzinger, dans un livre paru sur le sujet selon le souhait exprès de saint Jean-Paul II, affirmait : « Cette norme n’est pas un règlement purement disciplinaire,
qui pourrait être changé par l’Église. Elle découle d’une situation objective qui, de soi, rend impossible l’accès à la sainte communion. » On peut dès lors penser que, bien que le pape François ait écrit dans une lettre privée adressée aux évêques de la province de Buenos-Aires qu’il partageait leur interprétation (en rupture avec la pratique antérieure), le problème est loin d’être résolu.

Comme l’a dit le cardinal Müller lorsqu’il était encore préfet pour la Congrégation pour la Doctrine de la foi : « Si le Pape avait voulu changer une pratique si ancienne et si établie,
il ne l’aurait pas fait dans une note de bas de page », note dont le sens n’est pas suffisamment explicite. C’est dans ce contexte de confusion pastorale et doctrinale que s’est tenu
le 15 octobre à la cathédrale Saint-Jean de Lyon un temps de rencontre auquel le cardinal Barbarin avait convié « les fidèles ayant vécu une rupture conjugale », qu’ils soient
remariés civilement ou non. L’intention manifestée du cardinal était de panser les blessures dont ces fidèles ont été victimes dans l’Église. Il a donc commencé son propos en leur demandant
pardon « pour toutes ces blessures par un regard, un jugement ou un rejet brutal ».

Puis, il a tenté de présenter le changement qu’incarne Amoris lætitia en citant les mots du cardinal Schönborn : « Le pape François a sorti la doctrine de l’Église de son carcan réglementaire, sans la changer du tout. » On aimerait en savoir plus sur ce qu’il faut entendre par « carcan réglementaire ».  Familiaris consortio et le texte du cardinal Ratzinger cité plus haut seraient-ils des exemples d’un tel carcan dont la doctrine a enfin été libérée ? Nous ne le saurons pas.

La perspective légaliste

Cependant « il est clair, dit le cardinal, que la phrase de Jésus : “Ce que Dieu a uni que l’homme ne le sépare pas” ne va pas cesser d’être valide par décision du Pape. » Il s’agit plutôt donc d’un changement dans la manière d’être auprès de ces personnes en souffrance. Écoute, patience, compassion sont nécessaires ce qui exige d’abandonner les deux « attitudes simplistes » : soit l’interdiction pure et simple, soit l’absence de toute règle.

Notons qu’une telle alternative manifeste que le sujet serait abordé dans une perspective légaliste. Mais renvoyer dos à dos ces deux attitudes pour privilégier une attitude d’accompagnement et de discernement des cas singuliers peut l’être tout autant ! En effet, la soi-disant position médiane entre le rigorisme et le laxisme reste au même niveau, sur le même plan, à savoir une approche légaliste de la vie chrétienne (morale et sacrements) dans laquelle la conscience doit arbitrer un conflit entre la loi et la liberté.

La conscience est alors vue comme une instance autonome devant se déterminer et non plus comme un acte de la raison par lequel la lumière de vérité sur le bien (la loi morale dans une approche non légaliste) éclaire l’acte à poser hic et nunc. Ici le principe moderne de la liberté de conscience ne prend-il pas l’ascendant sur le principe catholique de la conscience tel que saint Thomas, le bienheureux Newman et saint Jean-Paul II l’ont exposé ?

De fait, le cardinal archevêque de Lyon poursuit son discours : « Quand une personne divorcée remariée ne supporte pas de ne pas pouvoir communier, et finalement décide, à cause
de cette brûlure intérieure, de ne plus venir à la messe, il serait absurde et inhumain de continuer à brandir devant elle un panneau d’interdiction. Ce serait la conduire à une rupture
plus grave encore et l’enfermer dans son amertume. Quand quelqu’un vit cette situation et décide en conscience d’aller communier, personne ne le juge. »

Dans une telle situation, la vie sacramentelle semble réduite à un besoin de la subjectivité individuelle devant laquelle le pasteur s’efface de peur d’apparaître comme un censeur inhumain. Cet exemple illustre le faux dilemme dans lequel la manière légaliste d’aborder la situation plonge et le fidèle et le pasteur. L’impossibilité de communier dont parlait le cardinal Ratzinger n’est pas d’abord un interdit. Elle n’est que l’expression concrète de ce que signifient les sacrements dans leur organicité ecclésiale.

Lors de cette soirée, Florence et Georges Romero (1) ont témoigné de leur itinéraire. Au terme d’un parcours d’accompagnement avec leur curé de Bron, celui-ci leur a proposé de « bâtir une célébration avec bénédiction de leur couple ». Le lendemain de cette célébration, ils communiaient à la messe du dimanche. Depuis lors, ils accompagnent des couples de divorcés remariés dans leur paroisse.

De quoi une telle histoire témoigne-t-elle ?

Que la réception d’Amoris lætitia semble aller dans le sens d’un obscurcissement toujours plus important de ce qu’est la vie sacramentelle et, par là, du mystère de l’Église. Cette altération du sens du mariage et de l’eucharistie n’est pas nouvelle. Mais désormais elle se manifeste au coeur de la vie d’un diocèse en présence de son archevêque.

À Lyon, le mariage chrétien est-il encore indissoluble ? Est-il encore le signe de l’Alliance entre le Christ et l’Église ?

source : L'Homme Nouveau, édition du 11 novembre 2017

Dans 2017

lettre d'un soldat israélite à son général

Le Mar 21 nov 2017

Le 6 septembre 1917

Mon Général,

Je me suis permis de demander à passer dans l’infanterie pour des motifs d’ordre personnel. Mon cas est en effet assez différent de celui de la plupart des combattants. Je fais partie d’une famille israélite, naturalisée française, il y a un siècle à peine. Mes aïeux, en acceptant l’hospitalité de la France, ont contracté envers elle une dette sévère ; j’ai donc un double devoir à accomplir : celui de Français d’abord ; celui de nouveau Français ensuite. C’est pourquoi je considère que ma place est là où les risques sont les plus nombreux.

Lorsque je me suis engagé, à 17 ans, j’ai demandé à être artilleur sur la prière de mes parents et les conseils de mes amis qui servaient dans l’artillerie. Les «appelés » de la classe 1918 seront sans doute envoyés prochainement aux tranchées. Je désire les y devancer.

Je veux après la guerre, si mon étoile me préserve, avoir la satisfaction d’avoir fait mon devoir, et le maximum de mon devoir. Je veux que personne ne puisse me contester le titre de Français, de vrai et bon Français.

Je veux, si je meurs, que ma famille puisse se réclamer de moi et que jamais qui que ce soit ne puisse lui  reprocher ses origines ou ses parentés étrangères.

J’espère être physiquement capable d’endurer les souffrances du métier de fantassin et vous prie de croire, mon Général, que de toute mon âme et de tout mon cœur je suis décidé à servir la France le plus vaillamment possible.

Veuillez agréer, mon Général, l’assurance de mon profond respect et de mon entier dévouement.

 

            Henry Lange fut tué le 10 septembre 1918. Il avait vingt ans.