Chrétiens en Ubaye

testament de l'abbé Cyril Gordien

Le Ven 12 mai 2023 à 11:49

Dans 2023

Extraits du testament de l'abbé Cyril GORDIEN, curé de la paroisse Saint Dominique à Paris. 

Prêtre au cœur de la souffrance  (extraits de Famille Chrétienne)

la fermeture des lieux de culte pendant la pandémie 

Puis la crise du coronavirus est survenue. En mars 2020, six mois à peine après mon arrivée, la vie est paralysée. Je me retrouve totalement seul au presbytère et dans l’église, chacun étant parti se confiner ailleurs. Pour moi, une évidence s’impose : je ne peux pas célébrer la messe pour moi tout seul, en m’enfermant pour me protéger…Je ne suis pas prêtre pour moi, privant les fidèles des sacrements. Je décide de laisser l’église ouverte, toute la journée, et de célébrer la messe dans l’église, en exposant auparavant le Saint-Sacrement, me tenant disponible pour les confessions. Je n’ai prévenu personne, mais les fidèles sont venus d’eux-mêmes. J’assume pleinement ce choix, et ne le regrette en rien. Certains, partis en villégiature à la campagne, me l’ont reproché à distance. D’autres, à leur retour des confinements, m’ont fait de vifs reproches. Il est facile de critiquer quand on passe plusieurs semaines au soleil, en dehors de Paris…

Cette crise révèle un drame de notre époque : on veut protéger son corps pour préserver sa vie, fût-ce au détriment des relations personnelles et de l’amour donné jusqu’au bout. On veut sauver son corps au détriment de son âme. Que vaut une société qui privilégie de manière absolue la santé du corps, laissant des personnes mourir dans une solitude effroyable, les privant de la présence de leurs proches ? Que vaut une société qui en vient à interdire le culte rendu au Seigneur ?

 Aucune autorité humaine, gouvernementale ou ecclésiastique, ne peut s’arroger le droit d’empêcher Dieu de rassembler ses enfants, d’empêcher la manifestation de la foi par le culte rendu à Dieu. (…) Tout en prenant les précautions nécessaires contre la contagion, évêques, prêtres et fidèles devraient s’opposer de tout leur pouvoir à des lois de sécurité sanitaire qui ne respectent ni Dieu ni la liberté de culte, car de telles lois sont plus mortelles que le coronavirus » (Cardinal Sarah, Catéchisme de la vie spirituelle, Fayard, 2022, p. 67.)

+ Adoration permanente ?

Finalement, après toutes ces péripéties, nous parvenons à débuter l’Adoration comme prévu, le 10 novembre. Du mardi 8h jusqu’au vendredi 18h30, les fidèles se succèdent et se relaient pour adorer le Seigneur Jésus dans son Saint Sacrement. Comme prêtre, j’éprouve une immense joie à venir adorer au cœur de la nuit silencieuse. Je suis profondément heureux de voir les fidèles venir prier à toute heure, et constituer ainsi comme un foyer capable de rayonner de l’amour de Dieu. Je suis émerveillé devant ces jeunes, collégiens, lycéens ou étudiants, qui se sont engagés pour un créneau et qui viennent la nuit, ou bien juste à la sortie de leurs cours, sac au dos. Je suis admiratif devant ces pères de famille qui viennent dans la nuit, ou bien très tôt le matin avant de rejoindre leur lieu de travail, ou encore ces mères de famille qui emmènent leurs petits enfants. Je suis ému devant ces personnes âgées qui tiennent dans la fidélité, aux heures les plus mouvementées de la journée.

Tous, de toute condition et de tout âge, se sont  mobilisés  pour mettre le Christ au centre de leur vie, l’adorer, le prier, lui confier leurs intentions, et porter leur paroisse. Je suis convaincu que cela est source de nombreuses grâces pour chacun et pour la vie paroissiale, et que cette prière continue est la source de la fécondité des diverses activités pastorales. Avec la sainte Vierge, je m’écrie, le cœur rempli de gratitude : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon sauveur ! ».

Brebis ou loups déguisés ?

« Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car ton bâton me guide et me rassure ». J’ai souvent médité sur ce psaume qui m’assure du soutien du Seigneur dans les grands moments d’épreuve. Ces ravins de la mort prennent plusieurs aspects, que ce soit le combat spirituel ou la lutte contre la maladie. Seul, sans le Christ, il est impossible de se battre. Saint Pierre en a fait l’amère expérience, lorsqu’il se mit à couler parce qu’il avançait tout seul. Je saisis volontiers ce bâton du Seigneur, ce bâton qui fendit la Mer Rouge et perça le rocher. Ce bâton, c’est la houlette du Bon Pasteur. Et le pasteur a besoin de ce bâton pour chasser les bêtes sauvages, pour combattre les loups qui veulent s’emparer des brebis.

A l’intérieur de l’Église, des loups se sont introduits. Ce sont des prêtres, et même parfois des évêques, qui ne cherchent pas le bien et le salut des âmes, mais qui désirent d’abord la réalisation de leurs propres intérêts, comme la réussite d’une « pseudo-carrière ». Alors ils sont prêts à tout : céder à la pensée dominante, pactiser aves certains lobbies comme les LGBT, renoncer à la doctrine de la vraie foi pour s’adapter à l’air du temps, mentir pour parvenir à leurs fins.

J’ai rencontré ce genre de loups déguisés en bons pasteurs, et j’ai souffert par l’Église. Dans les différentes crises que j’ai traversées, je me suis rendu compte que les autorités ne prenaient pas soin des prêtres et les défendaient rarement, prenant fait et cause pour des récriminations de laïcs progressistes en mal de pouvoir et voulant une liturgie plate dans une auto-célébration de l’assemblée. Comme prêtre, pasteur et guide des brebis qui vous sont confiées, si vous décidez de soigner la liturgie pour honorer notre Seigneur et lui rendre un culte véritable, il est peu probable que vous soyez soutenu en haut lieu face aux laïcs qui se plaignent.

Ce curé courageux et intègre est décédé d'un cancer le 14 mars 2023. Il avait 48 ans.